Avec nos chiens ou nos enfants, nous sommes parfois confrontés aux mêmes problématiques. Et même si on le sait en théorie, je dois reconnaitre que la paternité m’en a fait prendre pleinement conscience.
Aujourd’hui, on parlera du chien au travers de l’enfant, au travers de ma propre fille du haut de ces quelques mois. Une histoire somme toutes personnelles qui ne se veut ni une leçon de moral, ni un guide sur comment « protéger son chien ou son enfant ».
Juste une tranche de vie avec son lot d’émotions, de peur, de colère, de pleurs. Une petite histoire tout à fait subjective, dépendant de mon vécu personnel qui biaise inévitablement mon analyse et influence mes réactions.
En bref, une histoire que pourront vivre bon nombre d’autres parents ou gardiens dans leur vie. Ici, c’est l’histoire d’un simple repas de famille qui est pourtant plein d’enseignement.
C’est l’histoire d’une petite fille de 17 mois. A 17 mois, on marche, on parle (enfin on babille mais quand même, il y a des amorces de phrases faites de mots prononcés maladroitement ).
A 17 mois, on s’exprime. On sait dire « wheeeee » très très bien pour peu que l’on soit à l’aise, comme on sait très bien dire « nan » quand on ne veut pas.
On s’exprime même très bien pour peu que l’on nous écoute. Pas que par la parole mais aussi par la gestuel, le regard. Et puis l’instinct.
On a beau connaitre tous les éthogrammes du monde, je peux vous assurer qu’un papa ou une maman ça sent au fond de ses tripes l’émotion qui traverse son enfant !
C’est donc une histoire de communication. Qui dit communication, dit écoute…aïe aïe aïe !
Le jeune enfant, c’est comme le bébé chien. Tout le monde veut le toucher, lui faire des bisous, le prendre sur lui. Tout le monde veut jouer à la dinette avec.
Mais qui lui demande s’il veut bien ? Quasi personne.
Pourtant, il se débat, il tend les bras vers ses parents, il dit clairement « nan, nan, nan », mais on ne l’écoute pas.
On dit qu’il est comme tous les enfants, qu’il ne sait que dire « nan »…vraiment ?!
Pour la blague, je me suis prêté au jeu de lister son vocabulaire. J’ai arrêté de compter à 50 mots. Donc non, elle ne dit pas que « nan ». Faut-il encore lui laisser les conditions de s’exprimer.
Bref, un nouvel environnement, un inconnu (grand papi ou grand mamie qu’on a vu 2x 1 journée dans sa vie et avec qui on n’a jamais rien tissé, ça rentre dans la case inconnu !), c’est une découverte et c’est difficile. Spoiler : c’est NORMAL !
Tout être vivant à besoin de se sentir en sécurité pour explorer un nouvel environnement ou s’engager socialement. C’est une condition indispensable.
Pour répondre à ce besoin de sécurité, tout être vivant doit forcément passer par une analyse consciente et inconsciente de l’environnement physique ou social qui l’entoure (social processing ou environnemental processing).
C’est normal, même les adultes y passent. Cela va plus ou moins vite selon notre développement ou encore notre passée.
Pour répondre à ce besoin de sécurité, tout être vivant immature sur le plan du développement neuro-comportemental a besoin d’une figure d’attachement qui lui sert de base de sécurité. C’est d’ailleurs aussi le cas pour les victimes de trauma, mais ce n’est pas le sujet.
Bref, l’enfant, le chien, a BESOIN qu’on lui laisse le temps pour analyser. Il ne s’y sentira pas forcément en sécurité, il pourra très bien exprimer un BESOIN de soulagement, c’est-à-dire être extirpé de cette situation, pour pouvoir satisfaire son BESOIN de sécurité.
Sans cela, pas d’exploration, pas de communication, pas de « wheeeee ».
Que des « nan », des protestations, des pleurs. Désolé, ce n’est pas du cinéma !
Certes parfois, il semblera calme malgré tout quoiqu’un peu stoïque si on y regarde bien, les yeux dans le vide.
Il n’ose pas bouger, il se laisse faire pendant que l’on joue avec lui. Pourtant, la situation est telle que son corps décide tout seul de le mettre dans sa bulle pour le protéger. Dans le jargon, on parle de sidération voire de dissociation.
L’absence totale de sécurité l’amène à percevoir la situation comme un danger mortel, certes irrationnel mais bien réel pour lui. Car les BESOINS émotionnels ne sont pas respectés.
Alors on protège comme on peut, l’air de rien. Pour faire respecter ses besoins, on joue au ninja et on se lance dans les pas de danses : hop un pivotage pour esquiver un bisou volé, hop une esquive pour se rapprocher des personnes respectueuses et fuir les relous.
Tout le monde s’assoit. Parfait, plus besoin d’esquiver !
Le temps passe, les discussions s’engagent. Les échanges entre adultes démontrent que les adultes se sentent en sécurité tout en laissant à l’enfant le temps dont il a besoin.
Naturellement, notre fille quitte nos bras. Elle s’aventure vers ces gens bizarres, en commençant par les moins instants (logique). Elle babille, elle distribue des gâteaux apéros. La moitié tombe par terre, l’autre moitié est partagée entre sa bouche et cette distribution spontanée et un peu baveuse (c’est bon les gâteaux apéros baveux, non ?).
Naturellement, les choses se détendent à SON rythme. La confiance s’installe jusqu’à s’aventurer vers ceux qui étaient les plus instants, jusqu’à ce que l’adulte aille encore une fois trop vite.
L’enfant a beau faire une offrande à l’adulte, il n’est pas forcément encore OK pour un contact plus prononcé qui lui fait quitter la terre ferme avec grand papi.
Comme le chien qui s’approche, renifle une jambe, une main ou quoi que ce soit d’autre, n’est pas forcément OK pour être caressé.
Dans la logique de l’adulte « si l’enfant me donne un gâteau, alors je peux le prendre et en faire ce que je veux ». Hurlement, terreur, « nan, nan, nan », pleurs, tous royalement ignorés.
D’ailleurs, la seule chose qu’il peut apprendre dans ce contexte, c’est d’ignorer l’avis de l’autre pour imposer le sien. Quel beau modèle
On récupère la bête, on la protège à nouveau, on fait certes 3 pas en arrière mais on arrive à retrouver cette sécurité. Ouf !
Petit recadrage politiquement correct et les choses reprennent leurs cours naturels. L’exploration reprend, la confiance revient et les contacts se refont avec cette fois-ci plus de respect.
Mais l’adulte est vite vexé. C’est d’ailleurs marrant de constater que c’est justement l’adulte qui ne sait pas se retenir qui sera le premier à exiger de l’enfant qu’il le fasse !
L’adulte vexé veut obtenir ce qu’il veut. L’adulte vexé, assez fourbement, cherche un moyen d’imposer un contact quand bon lui semble. Et c’est évidemment au pire moment qu’il le fait.
Il cherche à prendre par surprise. Si en plus l’enfant est sans défense c’est encore mieux. Quoi de mieux qu’un changement de couche..quelle riche idée !
Un changement de couche rapide, sur une table basse, une maman concentrée et un grand papi d’1m90 (encore lui) qui se penche brusquement par dessus tout ce petit monde.
Un grand machin qui nous a déjà fait peur qui se penche d’un coup sur nous.
Le résultat est immédiat : Hurlements, terreur, « nan, nan, nan », pleurs X10.
« Non, c’est pas le moment. Tu vois bien qu’elle veut pas » dit maman les mains dans le caca.
De mon côté, l’agacement, l’irritation sont là. Je repousse l’air de rien l’intrus en prenant soin de mettre mon corps en opposition. Un pas de côté pour mettre mon corps en opposition une autre fois avant que l’intrus ne fasse demi tour en bougonnant. Gagné, ouf !
Enfin, presque. L’intrus revient d’un coup d’un seul. Sa tête est à à peine 15 cm de celle de l’enfant qui hurle de terreur, pleurs et se débat en criant « nan, nan, nan ».
L’agacement se transforme en colère. Elle a évidemment toute sa place ici. C’en est trop !
On repousse sans ménagement « tu arrêtes tes conneries de suite et tu la laisses maintenant ! ». Fini l’opposition l’air de rien, papa fait maintenant face frontalement.
Comme qui dirait « La bienveillance n’est pas l’art de laisser les dominants dominer par politesse. »
Un coup d’oeil rapide : maman est sur le coup pour sécuriser. C’est évidemment la priorité : répondre au besoin.
Mais l’émotion est bien évidemment toujours présente. Elle véhicule un message, en l’occurrence une menace.
Puisque l’essentiel est assuré (la sécurisation de l’enfant), la colère peut alors s’exprimer. Par chance (ou plutôt à force de travail), ma fenêtre de tolérance est bien plus grande que par le passé.
Ma colère existe mais mes émotions restent régulées. Je n’ai pas besoin de prendre sur moi pour la laisser s’exprimer sans exploser. Vous savez, ces fois où vous arrivez à exprimer votre désaccord avec virulence tout en restant parfaitement conscient de ce que vous dites et de ce que vous faites. Sans que rien ne dépasse vos pensées, sans garder au fond de vous quoi que ce soit.
Rien de magique là-dedans c’est un travail sur soi long et fastidieux. Et je suis le premier à reconnaitre que c’est loin de se faire en un claquement de doigt.
A la place certains exploseront. Certains resteront totalement sidérés par la scène et n’arriveront pas à réagir. Et vous savez quoi ? Vous n’êtes pas anormal pour autant. Encore moins une mauvaise personne.
Vous êtes juste vivant. Avec ses bons et ses mauvais jours. Ses difficultés. Car tout ça dépend énormément de ce que vous vivez au quotidien. Tout ça dépend de ce que vous avez vécu par le passé, de comment on vous a appris à faire avec vos émotions (bien souvent en se taisant et en gardant tout pour soi jusqu’à ce que ça explose).
Des scènes comme ça, tous les parents et tous les propriétaires de chien en vivent. Que ce soit avec notre entourage ou avec des inconnus importe peu. Ce qui est sûr, c’est que les préserver contre ce genre d’intrusion est loin d’être facile tellement notre société insiste pour que le « plus faible » se laisse faire.
Une question de respect de l’animal, humain comme non-humain.
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