Voilà une notion qui fait débat dans le monde de l’éducation (canine mais aussi parentale).
Dans la bouche des fervents défenseurs de l’ordre et de la discipline, la bienveillance est synonyme de « Laxisme ».
« Nous ne sommes pas laxistes, nous aussi nous mettons des règles » rétorquent les tenants de l’éducation bienveillante.
En ce moment, des lives organisés par de grands centres de formations, affirment qu’on peut punir son chien sans violence. Qu’il faut avoir l’ascendant (grosse déception d’entendre ça…). En ce moment, les maniaques du contrôle affirment à tour de bras dans les médias qu’il faut contrôler son enfant. Dans les deux domaines, les mots coopération et contrôle sont utilisés dans la même phrase
Il m’est déjà arrivé d’écrire sur le sujet. On pourrait encore débattre sur la notion même de laxisme. J’entends pas là sa signification dans l’esprit commun (un truc attentiste et clairement je m’en foutiste) vs son origine latine « laxus » (excès ? de tolérance et indulgence).
Mais plutôt que de chipoter sur les mots, autant s’attarder sur ce qui fâche : les règles (ou le cadre si vous préférez).
Désobéissance
Soyons honnêtes, la notion de règle elle même sous entend désobéissance. Penser désobéissance prédispose de fait à penser punition (P+ et/ou P-).
Il serait temps d’arrêter de se chercher des excuses. Punir c’est facile. Punir c’est un réflexe parce qu’on l’a toujours vécu nous même.
Admettons juste qu’on prend un gros raccourci. Admettons qu’on veut que ça aille vite sans jamais remettre en question l’apprentissage. Admettons qu’on n’a pas envie de se poser la question du pourquoi l’animal ne fait pas ce qu’il est censé avoir compris.
C’est d’ailleurs étonnant car c’est quelque chose que les agilitistes ont parfaitement compris quand ils parlent de proofing : littéralement « mettre le comportement à l’épreuve de ». Et ça demande d’accepter le fait que l’animal n’a en réalité pas compris le concept qu’on souhaite lui enseigner. Ça demande que l’enseignant revoit son entraînement et re explique à l’animal en faisant des micro variations pour affiner la compréhension du chien, jusqu’à compréhension du concept.
Mais au delà de ça, pourquoi nous permettons nous d’utiliser si facilement la punition avec nos chiens (ou nos enfants) ?
Car nous avons l’ascendant, le pouvoir. Ah le pouvoir de l’humain sur l’autre…On en revient encore à cette dissonance « coopérer oui, mais je veux qu’il obéisse quand je le veux ».
Allez y, faites la même chose avec un cheval et vous allez vous prendre une sacrée ruade !
Allez y, faites la même chose avec un chien au passé traumatique qui agresse pour se protéger.
Bizarrement, dans ce cas on considère que l’animal n’est pas en mesure de supporter ça. Tient tient …
C’est marrant comme on se sort les doigts pour trouver d’autres manières de procéder lorsque notre intégrité physique est en jeu
J’insiste. Instaurer un cadre sans punir est largement possible mais cela nécessite à l’humain de développer de nouvelles compétences, d’apprendre à communiquer correctement avec son chien ainsi que…plus de boulot et d’indulgence (envers son chien mais aussi envers soi, car oui c’est parfois épuisant d’éduquer avec respect surtout lorsque la société ne nous respecte pas).
Voyez comme on en revient assez vite au fait de (se) lâcher un peu la grappe
Enfin bref, poser un cadre sans punir c’est possible mais ça implique de changer totalement de paradigme et nos habitudes bien ancrées. Répéter. Se questionner. Ça ne veut pas dire que c’est l’anarchie totale. Ça ne veut pas dire que l’on a pas le droit d’exprimer son désaccord à son chien. Ça veut juste dire que notre chien est capable de renoncer à quelque chose SANS se sentir léser.
Des règles pour mieux cohabiter, pourquoi pas. Mais pas n’importe comment donc. Alors admettons que nous ayons fait les choses bien.
Pourquoi avons nous tant besoin de règles ?
Encore une fois soyons honnêtes. Les règles sont là pour manager des comportements (qui nous dérangent, mais était il nécessaire de le préciser). Ni plus, ni moins. Et lorsqu’on manage des comportements, on est totalement focalisés sur la partie immergée de l’iceberg.
Chose qui je pense nous éloigne fondamentalement du vrai problème : quelle place sommes nous capables d’offrir au chien ? Quelle place notre société, spéciste au possible, est prête à leur offrir ?
Car n’oublions pas une chose capitale : le chien n’a pas choisi de vivre chez nous. Les bergers n’ont pas choisi d’avoir un besoin viscéral d’arrêter le mouvement. Les terriers n’ont pas choisi d’avoir besoin de creuser. Les lévriers n’ont pas choisi d’avoir une extrême sensibilité. Le chien, opportuniste (comme si nous ne l’étions pas..) et « éboueur », n’a pas choisi de tomber nez à nez avec nos restes de pizza jetés sur le trottoir ou des restes de bbq au détour d’un chemin. Le chien n’a pas choisi de vivre dans une société de moins en moins tolérante à son égard.
En revanche, l’Homme a décidé de s’octroyer le droit d’imposer à l’animal un environnement inadapté à sa nature de canidé. L’Homme a choisi de sélectionner des traits de caractère et des patrons moteurs qu’il reproche ensuite à l’animal d’exprimer. L’Homme, dans sa toute puissance (et surtout sa connerie) a choisi de mettre le chien dans une situation où il ne peut finalement pas se comporter en chien. L’Homme ne choisit il pas d’imposer des règles car il est parfaitement incapable de faire un effort pour celui qu’il se persuade d’être son meilleur ami ?
Est ce qu’au fond cette histoire de règles n’est pas juste une excuse pour fermer les yeux sur notre égocentrisme ? Est on seulement capable d’accepter la vraie nature de nos chiens ?
Moins nous les accepterons tel qu’ils sont, plus nous aurons besoin de règles.
A contrario, plus nous les accepterons, en tant qu’individu à part entière, moins nous aurons besoin de règles pour cohabiter.
Alors au final, laxiste ou pas laxiste ?
Vous avez 4h.