« La violence est le dernier refuge de l’incompétence » disait Isaac Asimov.
C’était aussi la phrase fétiche de mon prof de maths en 4ème et 3ème. Un mec, qui en plus d’être un excellent prof, réussissait le tour de force de « discipliner » les classes dites « problématiques ».
Son secret ? Ne jamais user d’autorité, des menaces, de punitions, de récompenses, d’humiliation ou de chantage.
Au contraire, il n’en avait pas besoin. Il savait écouter : de la vraie écoute qui mène à la réflexion.
Il savait transmettre son opinion sans se placer en moralisateur. Il savait aussi partager ses propres passions et ouvrir le dialogue même chez les jeunes « délinquants » les plus en colère, et de fait, les apaiser.
Tout le monde avait un profond respect pour cet homme qui, même s’il ne comprenait pas toujours ce qu’on traversait, faisait l’effort d’essayer.
C’était surtout ça son secret.
Alors de temps en temps, il passait bien évidement pour un vieux con aux yeux des petits jeunes cons qu’on était. Mais il essayait quand même, et ça, ça faisait des petits miracles mêmes auprès des plus « rebelles ».
« La violence est le dernier refuge de l’incompétence » disait donc à juste titre M. Cura, qui s’appliquait ce credo à la lettre.
Et à côté de M. Cura, il y a la vidéo du moment : une maîtresse qui frappe sans complexe une gamine de 3 ans le jour de la rentrée.
A côté de M. Cura, il y a les trop nombreux adultes endoctrinés par l’autoritarisme qui se disent que la gamine l’avait surement bien cherché.
A côté de M. Cura, il y a une maman qui s’est dit que plutôt qu’aider la gamine, elle allait filmer… ça peut se défendre pour avoir une preuve, mais ça veut aussi dire que l’enfant apprend que les adultes ne lui viennent pas en aide.
Peu importe la raison, peu importe le pourquoi, la violence ne résout rien.
Un soit disant « mauvais » comportement de l’enfant ne devrait JAMAIS être corrigé par un un mauvais comportement de l’adulte (concernant l’adulte, il n’y a pas de guillemet à mauvais).
De la même manière, un soit disant « mauvais » comportement du chien ne devrait JAMAIS être corrigé par un un mauvais comportement de l’humain.
Ô je sens que cela va en faire sourire deux-trois. Pas étonnant tellement nous sommes conditionnés à faire comme ça, tellement on nous a appris que c’était la seule voie possible.
La voie de l’aliénation, la voie de la domination des plus faibles. C’est elle qui mène à verser le sang pour venger les siens tout en nous conduisant inexorablement à la haine des autres.
Elle gangrène autant nos sphères politiques que nos écoles ou nos relations.
Pas étonnant que l’on s’accroche à cette voie quand les médias mainstream déroulent sans cesse le tapis rouge à monsieur ou madame tape dur pour vanter le retour à l’âge de pierre.
Pas étonnant que l’on s’accroche tant à cette voie tant elle est omniprésente dans nos vies.
L’autoritarisme, on en a d’ailleurs soupé tout l’été. En politique, en France comme ailleurs. L’autoritarisme est d’état. L’autoritarisme est institutionnel. L’autoritarisme est sociétal.
Et pour sûr, il fait taire les voix dissidentes en tapant dessus.
Mais les quelques électrons libres qui avancent vers une réelle compréhension de l’Autre (au sens du vivant) n’éclipsent pas les majorités d’individus attachés à dompter leurs animaux ou leurs enfants de compagnie.
Je ne peux m’empêcher d’être affolé et profondément blasé par cette maman qui conditionne un tour de manège à sa gamine de 7 ans contre une récital parfait et sans hésitation de la table de 8.
Je ne peux m’empêcher d’être affolé et profondément blasé par ce parent qui fait mine d’abandonner son enfant en pleine rue. Peu importe la raison.
Je ne peux m’empêcher d’être affolé et profondément blasé par cet homme qui, au moindre petit wouf, fait pendouiller son Jack Russell au bout de sa laisse à 30cm du sol accompagné d’un magnifique « tu la ramènes moins là ». Le tout accompagné du rire gras de son ami, perdu au beau milieu d’un océan d’indifférence générale.
En ce moment, je suis quelque peu en colère (le sevrage tabagique n’aidant probablement pas 🫣) et relativement peu optimiste malgré cette minorité de personne qui fait clairement de mieux en mieux, et du mieux qu’elle peut dans un système qui ne l’aide pas.
En colère contre le système et ceux qui ne veulent pas en sortir alors qu’on fonce droit dans le mur. Mais aussi contre ceux qui font mine d’en sortir mais qui dans leur fort intérieur, souhaitent poursuivre dans la même voie.
En colère contre le monde qui n’a que faire des processus d’attachement et de la biologie des petits mammifères, maltraitant allègrement sans même s’en rendre compte nos tout petits (idem avec nos chiens).
En colère contre ce monde porteur de jugement et de clichés autoritaristes que la très grande majorité des humains (adultes) défendent becs et ongles en dépit de la détresse manifeste de l’autre.
En colère contre ce monde qui s’obstine parce qu’il a « toujours fait comme ça » (en plus c’est totalement faux). Et profondément fatigué de cette perpétuelle résistance systémique et individuelle au changement, tout ça parce qu’on bouscule un peu l’égo et qu’on remet en cause les choses.
Sauf que cette colère n’est pas saine pour le moment.
En temps normal, la colère est une émotion tout à fait nécessaire, utile et bénéfique. Elle est entre autre une réaction à l’oppression et à la repression. Mais la colère est sans aucun doute l’émotion la plus mal vue et la plus souvent réprimée.
Alors le plus souvent, on se retient d’exprimer sa colère. Et elle nous bouffe. Elle épuise.
Et elle est probablement une des raisons de cette longue pause estivale : un besoin de rester loin de ce merdier sans nom, pour ne pas tout envoyer bouler.