S’il y a bien une chose qui unit tous les animaux, c’est notre dépendance aux émotions. Tantôt jouasse, tantôt colère, tantôt tristesse, tantôt peur, elles guident nos comportements. Elles s’expriment à travers nos actes, nos paroles, nos gestes.
Leur ampleur varie, à chaque instant, sans que l’on puisse leur imposer de disparaitre. Elles ne sont pas nos ennemis, loin de là. Elles nous informent de ce que l’on ressent, de comment on perçoit l’instant présent.
Et parfois, il arrive qu’elles débordent. Surtout si la seule chose que l’on nous a enseignée est de les refouler. La peur de l’émotion, la peur d’exprimer sa pensée. Paradoxalement, c’est cette même peur qui finit par les faire ressortir tel un ras de marrée, brisant au passage la digue qui retenait tout ce flot émotionnel jusque-là.
Entre nous, ça peut arriver à tout le monde d’être submergé. Car à force de refouler, on a oublié comment les accepter, comment les accueillir. Parfois, nous n’avons jamais pu l’apprendre.
Alors on cède facilement à l’impulsivité, à l’agressivité. On se renferme sur soi ou on joue à « celui qui va bien » pour se protéger. Dès que quelque chose nous dépasse, on est submergé. On réagit au quart de tour pour des broutilles, on ne communique plus, on ne redescend plus tant que tout n’est pas sorti.
Ça peut arriver à tout le monde. Vraiment. Les gens ou les chiens qui réagissent ne sont ni bons, ni mauvais. Ils font avec leurs émotions.
Mais bien que leur expression fasse du bien sur le moment, répéter ce schéma refoulement / extériorisation ne mène nulle part si ce n’est à reproduire inlassablement la même logique.
Pourtant notre vie n’est pas faite que de moment où l’on est submergé. Loin de là. Et pourtant, ce sont ces moments qui sont si précieux pour réapprendre à accueillir ses émotions.
Accueillir ses émotions (avec bienveillance s’il vous plait !) = le terme à la mode qui a tendance à perdre tout le monde !
Il y a encore quelques années, je pense sincèrement que j’aurais été le premier à me répondre « écoute mec, prends- moi pas pour un lapin de 3 semaines. Quand je suis en colère, j’ai beau essayé d’être bienveillant, j’ai toujours autant envie d’exploser ! »
Et puis à force d’échanger avec des thérapeutes, à force de découvrir des approches que je ne connaissais pas, à force de suivre des conférences sur les neurosciences appliquées à l’accompagnement thérapeutique, j’ai fini par comprendre (enfin plutôt apprendre) que cet accueil bienveillant avait peut-être été popularisé un peu trop vite pour être bien compris.
Accueillir ses émotions n’est pas juste « noter ce que l’on ressent et lui dire je t’accepte ». Pour accueillir, faut-il déjà réapprendre à en ressentir toutes les composantes aussi bien dans l’esprit que dans le corps.
Ce qui est somme toute extrêmement logique : à force de refouler, on finit par ne plus prêter attention à nos ressentis. Qu’ils soient psychologiques ou somatiques, on s’en rend compte seulement lorsque les choses nous dépassent. Et malgré ça, souvent qu’une seule partie.
Avec certains « clients », redécouvrir l’ensemble de ses dimensions est un passage obligé tant ils ont eux-mêmes des difficultés au quotidien. Des difficultés à ne pas exploser lorsque quelque chose leur résiste, à ne pas se braquer lorsque quelque chose bouscule leur conviction, etc.
Il ne s’agit en aucun cas de masquer ou de faire disparaitre les choses. Mais bien de se redécouvrir pour mieux faire la paix avec soi en quelque sorte. C’est à dire, renouer avec son intelligence émotionnelle.
Comment ?
Pour beaucoup de gens, cet exercice constitue une redécouverte de soi-même. L’idée est d’aller explorer nos émotions sur différentes composantes psychosomatiques.
Ceux qui sont familiers avec l’EFT remarqueront les points communs avec la phase de ciblage 😉
Si vous bloquez sur une de ces dimensions, ne forcez pas. Les différentes composantes se débloqueront avec la pratique.
L’émotion
Tout d’abord, de quelle émotion s’agit-il ?
S’agit-il d’une peur, comme celle de parler en public ? Lorsque je croise quelqu’un ou un autre chien ?
S’agit-il plutôt de colère ? Par exemple, lorsque vous vous énervez dans telle ou telle situation.
S’agit-il plutôt de joie, comme lorsque l’on partage un bon moment avec son chien, un ami ou simplement un état de quiétude lors d’une balade au milieu de la nature.
Que l’on sache nommer avec exactitude l’émotion que l’on ressent n’a pas tellement d’importance. Il s’agit surtout d’autoriser cette émotion à faire surface, à ne pas la renfermer.
Visualisation
Quelle est l’image ou le souvenir associé à cette émotion ?
Cela peut être une image de votre passé, ou de votre présent. Cela peut être réel ou imaginaire. Peu importe. Laissez simplement apparaître une photographie qui illustre votre émotion.
Par exemple, l’image de soi, seul au milieu d’une foule qui nous regarde pourrait être l’image qui va avec la peur de parler en public.
Sensations physiques associées
Passons aux sensations physiques associées à l’émotion. Prenez quelques instants pour scanner votre corps en commençant par la tête, votre front, votre mâchoire.
Puis descendez progressivement le long de votre cou, de vos bras, en passant par vos épaules, votre coude, votre main.
Revenez à hauteur de votre nuque et descendez le long buste. Observez votre cœur battre, vos poumons se remplir et se vide, votre ventre se gonfler et se vider, votre dos, si le bas touche ou le support sur lequel vous êtes assis. Etc.
Continuez à scanner le bas de votre corps en passant par le bas de votre dos, votre bassin, vos fesses, vos cuisses, vos mollets et enfin vos pieds.
Après ce scan, prenez alors du recul et observez avec curiosité vos sensations physiques.
Peut-être ressentez-vous une tension dans l’estomac, une sensation de chaud, de transpiration, un souffle court. Peut-être avez-vous les dents serrées ou une raideur dans la nuque.
Prenez alors quelques instants pour noter mentalement toutes ces sensations. Vous pouvez même les noter : ce seront des indices précieux pour sentir surgir une émotion forte 😉
Pensées associées
Quelles sont les pensées ou les projections qui sont associées à votre émotion. Quel serait ce que vous redoutez ?
Si votre chien est réactif par exemple et que vous avez peur de croiser un autre chien ou que cela vous met en colère dès qu’il déclenche :
- Comme projections, vous pouvez par exemple avoir peur d’être jugé, d’être rejeté, que l’on vous fasse des remarques désobligeantes, de recevoir des conseils non sollicités.
- Ou vous pouvez avoir comme pensées associées le fait d’être nul, de ne pas avoir suffisamment bien fait, de ne rien valoir ce qui vous pousse à craindre de sortir de chez vous. Si vous projetez une remarque (ou même que votre émotion fait directement suite à une remarque), vous avez pu vous sentir critiqué, bouleversé dans vos convictions, etc.
Ne cherchez pas forcément quelque chose de rationnel. Cela est rarement le cas. Prenez quelques instants pour sonder votre esprit et laisser apparaître ce qui émerge.
Évaluer l’intensité
Visualisez l’image d’une échelle ou d’un thermomètre et choisissez un chiffre entre 0 et 10 pour évaluer l’intensité de votre émotion et des autres points abordés.
Il se peut même que vous ressentiez plus dans votre corps que dans votre esprit. Notez la différence. Ce sont des indices pour mieux vous repérer.
Cela vous aidera également à savoir si c’était une situation très difficile ou non pour vous. Voir l’évolution, etc.
Il arrive que l’on soit parfois dans le déni sur l’instant T et que l’on se rende compte par la suite que l’on a plus de difficultés que l’on ne croyait dans un contexte donné 😉
Quand et pourquoi ?
Certainement pas juste après avoir explosé. Cela vaut autant dans la vraie vie que sur les réseaux sociaux 😉
C’est typiquement là où notre jugement est biaisé, où nous faisons des amalgames, des raccourcis, où nous faisons des interprétations erronées et où nous nous montrons agressifs.
Les réseaux offrent cependant un petit avantage à la vraie vie, tout comme il est plus facile de se lâcher, il est aussi plus facile de fermer son téléphone et de prendre du recul.
Cela peut être l’occasion de ressentir les choses une fois redescendue et de constater à quel point notre perception peut être différente. Mais certainement pas à chaud !
J’invite d’abord à expérimenter cet exercice dans un état où on se sent bien. Ça peut paraitre un peu absurde mais ça aide énormément de savoir identifier dans son corps et dans son esprit si on se sent bien ou non. On détecte alors plus facilement lorsque l’on quitte cet état.
Puis, toujours à froid, viendront progressivement des moments où l’on était un peu chafouin, attristé où qui nous ont fait raisonnablement peur. En clair, des moments où l’on avait encore la pleine conscience et le plein contrôle de nos actes.
Et ainsi de suite, sans bruler les étapes.
Avec le temps et la pratique, cette analyse devient une habitude et vous serez à même de la faire dans des situations de plus en plus fortes émotionnellement. Mais vous serez surtout capable de percevoir les tout premiers signes de vos émotions, bien avant qu’elles ne vous dépassent.
Sentir la colère naitre dès les premiers signes d’irritation permet d’agir sur soi en s’octroyant une pause, plutôt que d’intérioriser et d’exploser. Ne pas exploser en criant ou en frappant son chien. Ne pas exploser sur les réseaux sociaux pour faire en sorte qu’ils deviennent un espace d’expression sécurisé. Etc.
Il arrive assez fréquemment que cette démarche fasse ressortir ce que l’on peut appeler des schémas récurent. Par exemple, une pensée associée, une projection et/ou un souvenir commun à une ou plusieurs émotions.
Lorsque c’est le cas, on met alors le doigt sur quelque chose qu’il faudra sans doute envisager de régler dans le cadre d’un accompagnement thérapeutique. Quoi qu’il en soit, la prise de conscience de ces schémas amènent à mieux se comprendre, à mieux s’accepter et à ne plus se juger négativement.
Accueillir ses émotions dès les premiers signes est pour beaucoup de personnes, une grande étape en soi. Car c’est en renouant avec nos sensations que l’on développe notre intelligence émotionnelle, que l’on peut faire la paix avec elles et les intégrer plus facilement.